La rencontre et l’interview avec l’architecte Rudy Château est une rencontre très inspirante car Rudy est un architecte hors du commun. Rudy est passionné par l’habitat réversible, qui a un impact environnemental réduit avec une dimension sociale et coopérative. Il nous accueille chez lui dans sa maison pilote pour une interview très nature.
Bonjour Rudy, peux-tu nous présenter ton activité d’architecture pas ordinaire et même extraordinaire ?
Je suis architecte/urbaniste avec une sensibilité particulière à l’écoconstruction, à l’économie sociale et solidaire et aux différentes échelles de l’aménagement du territoire depuis plus de 15 ans. Cette sensibilité et la pratique transversale de mon métier m’a permis de m’interroger sur l’architecture en général. La façon de la pratiquer ne correspondait plus aux valeurs qui me motivaient.
Rencontrer Chloé Bruneau, juriste en droit et urbanisme, puis Emile Beucher, accompagnant coopératif, a été un facteur décisif pour concrétiser ma vision différente de l’architecture. Ces personnes m’ont aidé à développer les principes d’un aménagement réversible du territoire. Cela un impact social positif et très réduit sur l’environnement. Ensemble, nous avons créé le mouvement Hamosphère sur une base coopérative et sociale. Il existe depuis 6 ans, s’est agrandi avec la participation d’autres accompagnants. Il compte désormais 350 coopérateurs. Nous suivons une trentaine de projets et six ont été réalisés. Ce système est souple, facilite le financement. Chacun peut acquérir des parts sociales pour participer au mouvement et financer des projets d’utilités sociales et environnementales.
Il y a 3 possibilités de construction réversible : une possibilité modulaire 3D où le volume peut être déplacé, une formule 2D, démontable et la troisième sous une forme compostable avec de la paille non traitée. Nous privilégions le plus possible, l’éco-construction, les matériaux bio-sourcés, les circuits courts et le recourt aux artisans locaux.
Quel est ton parcours ?
Il est atypique, j’ai une formation de menuisier avec un BEP, puis un BT aménagement à Reims. La-bas en internat, je découvre l’agencement architectural qui me donne envie de faire des maquettes et d’avoir une vision globale de l’habitat. C’est la révélation pour devenir architecte ! Avec cet objectif en tête, je réussis un BTS en aménagement d’espace, puis en architecture d’intérieure à Roubaix. Finalement, j’intègre en 2° année l’école d’architecture à Versailles pour devenir architecte DPLG. En parallèle, pour financer mes études, je suis pompier volontaire. Je travaille ensuite à Paris dans une agence qui travaille sur des projets variés, du collectif au particulier. Enfin, j’atterris en Anjou pour intégrer une agence plus spécialisée dans le paysage.
Quand fait-on appel à tes services d’architecte ?
Mes services dépassent le cadre de l’architecture classique pour répondre, avec Hamosphère, à des besoins d’aménagement pour des projets d’utilités sociales et environnementales. A 95 %, je réponds en premier à des demandes privées, soit en collectif ou en individuel et le lien avec les collectivités se fait après. Cela couvre un besoin de cohérence locale, principalement dans un environnement rural ou péri-urbain.
Le co-habitat, l’extension réversible de bâtiments (école, bureaux par exemple) sont des solutions apportées aussi pour des mairies, des agriculteurs ou le Parc Naturel Régional Loire Anjou Touraine par exemple.
As-tu un moment fort ou une histoire marquante de ton parcours professionnel à nous partager ?
Oui, en 4°année d’architecture, j’ai un mémoire à concevoir. Je suis inspiré par l’habitat nomade, en particulier par la yourte mongole. Je réussis à convaincre mon directeur de mémoire pour réaliser ce projet. Il me présente à une équipe d’ethnologues à Nanterre avec laquelle j’élabore mon mémoire. Puis, pour valider pleinement mon projet, je décide d’aller là-bas. Passant par l’ambassade de Mongolie en France, je pars avec un copain, en sac à dos, avec le contact d’un nomade Mongol prêt à nous accueillir pendant 2 mois avec sa famille. C’est une expérience incroyable et enrichissante culturellement qui m’a permis de vivre une première expérience de la réversibilité avec la yourte mongole.
Puis je découvre la capitale Oulan-Bator, une ville conçue suivant les principes de l’urbanisme soviétique collectiviste et orthonormé. Elle connait depuis 30 ans une appropriation individuelle spontanée. De plus, les quartiers de la périphérie de la ville sont organisés en quartier de yourtes. Le contraste est saisissant et démontre le rôle essentiel des habitants et des acteurs locaux dans l’aménagement du territoire. Mon diplôme de fin d’études s’achève alors par l’étude de l’appropriation individuelle d’un système d’urbanisme collectif sur deux quartiers d’Oulan-Bator.
Quels sont tes projets et tes évènements à venir ?
Je souhaite stabiliser le mouvement Hamosphère, son modèle économique et pérenniser l’outil pour aider de plus en plus de porteurs de projets. Je désire développer des projets de co-habitat accessibles à tous, qui ont du sens, de la cohérence et je suis confiant.
Le mouvement Hamosphère s’est développé en région Pays de la Loire. Il commence aujourd’hui à prendre de l’ampleur. Nous sommes sollicités pour des projets en Bretagne, les Hauts de France et Clermont Ferrand notamment. De plus, Chloé Bruneau, notre juriste, est soutenue par l’ADEME pour réaliser une thèse sur les aspects réglementaires de la réversibilité et le Ministère de la transition écologique s’intéresse à l’urbanisme réversible. Il y a eu récemment un colloque à Nantes organisé avec le Cerema et la DDT49, on verra bien ! Un observatoire de la Réversibilité va être également mis en place prochainement, la demande est là.
Nous remercions l’architecte Rudy Chateau de nous avoir accueilli chez lui pour cette rencontre et de cet entretien très inspirant.
© PHOTOS : Hamosphere / DR